En 1986, j'ai passé des vacances à Ithaque, dans une petite maison perchée sur la falaise d'Afales, pas loin de Frikes.
Ce tableau a été exécuté par ma mère, sur la base d'une photo prise dans la cour arrière de la maison.
Cela fait des années qu'il est placé près de mon lit.
Tous les matins, sur le coup des 5h30, on entendait les clochettes des chèvres qui passaient sur le chemin qui les menait à leur "pâturage". C'était le meilleur réveil matin qu'on puisse imaginer, pas impératif, aucune obligation de se lever, juste un petit rappel pour nous dire qu'un jour nouveau s'était levé, qu'il faisait beau et que la journée s'annonçait bien. Il suffisait de ne pas ouvrir les yeux pour se rendormir encore un peu et laisser le sommeil finir son travail réparateur.
Mais un jour, poussées par la curiosité, mon amie et moi, avons décidé que le lendemain, nous sortirions pour les voir. Nous nous sommes donc levées et sommes sorties du jardin pour décrouvrir un imposant troupeau et plus de cent têtes. Le tintamarre était impressionnant ! Alors que nous prenions quelques clichés des bêtes fières et pressées, le berger qui les suivait d'un bon pas s'est arrêté au milieu du chemin, a mis les poings sur ses hanches et nous a apostrophées, de l'air de celui qui ne comprenait décidément rien à ces étrangères !
- "C'est moi qu'il faut photographier, pas mes bêtes !"
Qu'a cela ne tienne, nous lui avons tiré le portrait, campé qu'il était sur ces bonnes jambes, la cane placée fièrement en avant, son chien à ses pieds.
- "Il faudra me l'envoyer !"
- "Bien sûr, on va noter votre adresse"
Et de revenir dans la petite maison, de trouver un carnet et un crayon qui se sont révélés superflus : l'adresse était simple :
- "Frikes, Ithaque"
Oui, mais le nom ?
- "ΔΗΜΟΣΘΕΝΗΣ"
Et oui ! Ce pâtre-là s'appelait Démosthène ! Comment l'oublier ?
Il a bien reçu la photo et nous a même fait répondre, par un écolier, sur une feuille arrachée à un cahier :
- "Merci à vous ! Je suis très beau sur la photo ! J'espère que vous reviendrez dans mon beau pays".
Et il est vraiment très beau, sobre, dépouillé, comme j'aime....
RépondreSupprimerAvec un nom comme cela, on peut se permettre de rester sobre !
RépondreSupprimerQui ça, le tableau ou le pâtre grec ? Très belle histoire, Amartia.
RépondreSupprimerJe comprends mieux pourquoi Pénélope a pu attendre patiemment tant d'année. Peut être croisait elle un Démosthène tous les matins à 5H30? Trève de plaisanterie, j'aime ta façon simple et sincère de raconter ces moments authentiques.
RépondreSupprimerA vrai dire, je ne sais plus si on parle du tableau ou du pâtre. En tout cas, celui qui est près de mon lit, c'est bien le tableau !
RépondreSupprimerMa première impression est la même que Norma et j'ajouterai qu'il doit être doux de s'endormir et se réveiller en le regardant
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup cette histoire de pâtre,il faudrait presque l'inventer!!
A Paleokastro (dans mon village d'adoption) il y a bergers et troupeaux. je photographie les uns et les autres, indifféremment. Je n'ai rien à leur envoyer, ils savent (surtout les bergers, moins les troupeaux) que je reviens chaque année.
RépondreSupprimer@autourdupuits : et pourtant elle est bien vraie ! Je n'aurais pas su l'inventer... je manque cruellement d'imagination.
RépondreSupprimer@maisondeliza : tu as bien de la chance de retourner chaque année dans ton village, tu y es au frais, alors que nous subissons la canicule !